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Prophètes sans dieu vu par la presse

Nadège Michaudet, Mytoc.fr - lundi 18 mars 2019 - La prophétie du Raid 

https://actualites.mytoc.fr/evenements/la-prophetie-du-raid

Impertinent, drôle et incisif. La compagnie Le Raid a présenté au Théâtre de l’Iris un spectacle sur la religion. Avec les trois prophètes qui doivent s’expliquer.

«J’aimerais être le prophète des juifs, des musulmans et des chrétiens». Un rêve d’enfant. Celui de Slimane Benaïssa, l’auteur de ce texte, qui débarque sur scène par une petite porte. Tee-shirt noir, pantalon beige, les pieds nus. Il s’enferme dans sa chambre. Une simple armoire en bois et un lit métallique. « La parole a précédé ma pensée, mais depuis j’aiappris à me taire.»

Réfugié dans la religion. Trois livres fondateurs sur ses genoux : Bible, Torah, Coran. Il essaie de comprendre : «Pourquoi sur la planète les croyants s’entretuent alors que les trois fils d’Abraham prêchent les mêmes valeurs ?».

Réunion au sommet entre les trois concernés pour résoudre ce mystère. Moïse arrive en premier. Petit bonhomme aux cheveux grisonnants, une longue toge blanche surmontée d’une étole rouge. «Celui que Dieu a choisi». Quelques minutes plus tard, entrée magistrale de Jésus, cheveux longs bouclés et mains ensanglantées. «Le fils de Dieu». Premier accrochage. Qui a fait mieux quel’autre ? Qui a eu la mise à l’épreuve la plus difficile ? Le ton monte. Jésus hystérique ne supporte pas qu’on lui demande comment il a pu naître d’une mère vierge. Mégalo, persuadé d’être «l’unique», face à un Moïse donneur de leçons : « D’un prophète à l’autre, le niveau baisse...».Puis une question s’impose : où est Mahomet ? Impossible de poursuivre cette réunion sans lui. Deuxième partie du spectacle, on retrouve le jeune Slimane Benaïssa devenu artiste. Il a quitté son pays. En conflit avec sa propre religion à cause de la montée du terrorisme. Dilemme : peut-il représenter Mahomet au théâtre sans offenser les musulmans ? Il explique être «un prophète sans Dieu avec peu de fidèles mais beaucoup d’emmerdes !». Les deux autres necomprennent pas : «Le théâtre est un lieu de liberté. Si tu n’es pas capable d’imaginer un personnage, tu n’es pas un vrai auteur !». Réponse sans filtre : «Ma foi pèse sur ma conscience tant que le sang coule au nom de ma religion». Puis la sentence tombe : «Comme on ne fait pas de théâtre avec traîtrise, on arrête». Clap de fin.

Un texte fin, impertinent et drôle à la fois. Interprété avec beaucoup de justesse par trois acteurs solides : Mohamed Brikat, Franck Fargier et Simon Gabillet de la compagnie lyonnaise Le Raid. Du théâtre engagé, qui n’a pas peur de parler clair, sans être irrévérencieux. D’ailleurs, dans la salle pleine à craquer, le public très métissé est conquis. A chaque réplique cinglante, de longs applaudissements. Comme lorsque Jésus se moque de Moïse : « Malgré toute l’expérience que tu as avec les juifs, tu te fais avoir par un arabe !». Avec pour finir, une standing ovation.

Media Chœur - 13 mars 2019

Podcast

La compagnie du Raid continue de nous surprendre avec le texte engagé d'un auteur algérien,Slimane Benaïssa, sur les religions monothéistes : Prophètes sans Dieu, écrit en 1998. Ce dernier fait dialoguer Moïse et Jésus dans sa chambre d'enfant pas si naîf que cela et qui rêve un jour lui aussi d’exercer le métier de prophète, sans doute par immense respect pour le sien.

Le point de vue d’un artiste de culture musulmane qui vécut en exil à cause d'islamistes intégristes est intéressant pour comprendre les arguments de cette dernière religion révélée ainsi que la représentation que l'on peut ou pas se faire de Mahomet.

Le texte est érudit et très documenté sur les religions monothéistes, rendu plus digeste (le texte mérite d’être relu à tête reposée) par la mise en scène drôle, légère et aérée de Claire Bourgeois et Mohamed Brikat.

Ce dernier joue également le personnage de l'auteur aux côtés de Franck Fargier (Moise, "le premier") et Simon Gabillet (Jésus "le préféré et l'unique").

Polyvalence des membres, plaisir dans le jeu, diversité et maintenant engagement laissentaugurer de beaux lendemains aux et par les membres du Raid...

S.Titon du Tillet - NOUVELLES REPLIQUES

En 2017, presque vingt ans après sa publication, ce texte qui interroge les conflits religieux par le biais de ses trois prophètes est toujours brûlant d’actualité.

La mise en scène de Mohamed Brikat et de Claire Bourgeois suit la ligne proposée par le texte, à savoir l’appréhension de cette matière si complexe par une veine comique, légère. La naïveté des mots de l’enfant, de ses réactions et de son regard ne va pourtant pas sans de justes intuitions – la Vérité sortirait-elle non pas des Textes mais tout simplement de la bouche des enfants ? Le médium de l’enfant, interprété dans toute la première partie par Mohamed Brikat, permet au spectateur lambda d’entrer sans difficulté dans ces affaires d’exégèse. L’austérité que semblait pouvoir amener la matière religieuse est d’emblée court-circuitée.(...)

La force du texte de Slimane Benaïssa repose sur les liens qu’il tisse entre théâtre et religion – deux termes a priori antinomiques. La religion a à voir avec le théâtre dans sa manière de raconter des histoires par le biais de la parole. Le théâtre a à voir avec la religion dans la valeur qu’elle donne aux choix d’interprétation fondés sur la lecture de textes quasi-sacrés. Tous les deux, en n, sont fondés sur la foi, qu’on pourrait définir comme une intime conviction pétrie de doutes. Or c’est bien la foi du personnage principal, petit garçon puis jeune dramaturge, que le texte interroge. (...) Le point de départ de la chambre d’enfant confère à l’ensemble de la mise en scène une tonalité de conte. Moïse et Jésus apparaissent comme des mages dans un désert de sable qui, disposé autour du lit, ne va pas sans rappeler l’histoire folklorique du marchand de sable. Mais ce conte n’a rien de cristallin. La première partie, qui met en scène un débat entre Jésus et Moïse, ressemble parfois plus à une bataille de chiffons qu’à un conflit essentiel. C’est ce qu’on apprécie dans cette mise en scène, à savoir la distance prise avec le sujet traité, la liberté d’imaginer Jésus en grande folle, le dépassement des tabous religieux sur la scène de théâtre.

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